Artsakh - Haut Karabagh
Un même peuple, mais deux Etats. L’un reconnu, l’autre contesté. Cette division d’une même nation est au cœur du conflit dit du « Haut Karabakh ». Il oppose la république d’Artsakh[1] à la république d’Azerbaïdjan.
Le cas de la République d’Artsakh révèle – par rapport à d’autres conflits sécessionnistes – trois spécificités : (i) un fait générateur, (ii) la nature du démembrement de l’URSS et du conflit, (iii) son internationalisation.
Le fait générateur est liée à la décision arbitraire [2] de Staline de procéder au découpage du Caucase pour préserver un pouvoir naissant. Celle-ci intervient en dépit de la volonté de la population et des objectifs de la Conférence des Alliés chargée de définir les contours d’un foyer national arménien - inspiré des 14 points que le Président Wilson – au lendemain de l’effondrement des empires Russe et Ottoman. L’approche prônée par les Alliés – pourtant matérialisée par les articles 89 et 92 du Traité de Sèvres, signé mais non ratifié – et qui visait à la création d’un Etat indépendant, s’est confrontée au pouvoir soviétique – qui pour éviter une confrontation supplémentaire avec le monde turco-musulman - donnera des gages à la partie Azerbaïdjanaise en amputant l’Arménie naissante de deux provinces[3], dont la région montagneuse du Haut Karabakh. Celle-ci deviendra un ‘Oblast’, une Région Autonome[4] intégrée de force au sein de la toute nouvelle République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan. Cette annexion arbitraire est une caractéristique principale.
L’URSS n’a jamais été qualifiée d’empire colonial. Ses possessions territoriales étaient aménagées sous la forme juridique d’une fédération. Le dispositif du droit international, à travers le principe de l’Uti Possidetis (on garde en l’état les frontières et la division territoriale des colonies), qui a permis la stabilisation des frontières des Etats issus des décolonisations, n’a pas sa place, en droit positif, dans le raisonnement sur ce différend.
Ce conflit ne relève pas non plus de la mise en cause de l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan en conséquence d’un conflit entre deux Etats, en l’occurrence résultant d’une agression de la République d’Arménie. Malgré des affirmations péremptoires de l’Azerbaïdjan, la République d’Arménie n’a jamais été considérée, par la Communauté Internationale et en droit, comme agresseur de l’Azerbaïdjan[5] à l’instar par exemple de l’invasion de Chypre du Nord par la Turquie et la création de la République Turque de Chypre du Nord (‘RTCN’). La question frontalière avec l’Azerbaïdjan n’est donc pas en cause, aucune prétention territoriale n’étant exprimée par l’Arménie à cet égard. En conséquence de quoi le conflit – qui induit une demande d’autodétermination - a été internationalisé, et son règlement pacifique confié par les Nations Unies à l’OSCE. Depuis la mise en place de cette délégation, le groupe de Minsk s’efforce de convaincre les parties prenantes à une résolution pacifique du différend.
Il convient dès lors de constater la réalité effective d’un Etat, non reconnu, qui dispose de tous les attributs d’un Etat, conformément aux dispositions de la Convention de Montevideo, avec toutes les effectivités qui lui sont liées depuis plus de 25 ans.
Gérard Guerguerian
Mai 2020
[1] Nouvelle appellation du Haut Karabakh
[2] Par suite de l’occupation du Sud Caucase, le comité central du Caucase décide de modifier le 5 juillet 1921 son vote positif sur le rattachement du Haut Karabakh à l’Arménie. Cette décision entérine l’annexion du territoire et son inclusion au sein de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan.
[3] La province du Nakhitchevan et la région dite du Haut Karabakh, historiquement arméniennes et peuplées majoritairement par des arméniens furent intégrées arbitrairement à la République d’Azerbaïdjan, réduisant l’assise territoriale de ce qui constituera la République Socialiste Soviétique d’Arménie.
[4] La région Autonome est une entité prévue par la constitution Soviétique, au même titre que d’autres formes juridiques, comme par exemple, celle des Républiques Autonomes, territoires autonomes, etc…
[5] voir les résolutions du Conseil de sécurité, Res 822 (1993), Res 853 (1993), Res 874 (1993), Res 884 (1993).
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Références bibliographies
Télécharger PDF- Guerguerian, 2017 = Gerard Guerguerian, Nagorny Karabakh, entre sécession et autodétermination, Paris, Sigest, 229 pages.
- Ter Minassian, 2006 = Anahide Ter Minassian, La République d’Arménie : 1918-1920, ed. Complexe, 2006, 328 pages.
- Ter Minassian, 2012 = Taline Ter Minassian, Reginald Teague-Jones : Au service secret de l’Empire Britannique, Paris, ed. Grasset, 2012, 460 pages.
- Donabedian - Mutafian, 1991 = Patrick Donabedian et Claude Mutafian, Histoire du Karabagh, ed. Sevig press, 1991, 174 pages.
- Bournoutian, 2004 = George A. Bournoutian, Two Chronicles On The History Of Karabagh: Mirza Jamal Javansir's Tarik-e Karabag And Mirza Adigozal Beg's Karabag-Name, Mazda Pub, 2004, 297 pages.
- Tchoboian, 2016 = Tchoboian Hilda, « L’Artsakh entre guerre et négociations. », Nor Haratch Hebdo, 16 juillet 2016, p. 6-8.
- Galichian, 2009 = Rouben Galichian, The Invention of History: Azerbaijan, Armenia, and the Showcasing of Imagination, Gomidas Institute (Londres) et Printinfo Art Books (Erevan), 2009, 112 pages.
- Bournoutian, 2009 = George A. Bournoutian, Esayi Hasan Jalaeants, Brief History of the Aghuank Region (Patmut'iwn Hamarot Aghuanits Erkri) a History of Karabagh and Ganje From 1702-1723, Costa Mesa, Mazda, 2009.
- Bournoutian, 1994 = George A. Bournoutian, A History of Qarabagh: Mirza Jamal Javanshir Qarabaghi's Tarikh-E Qarabagh, Costa Mesa, Mazda, 1994.