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La culture arménienne n’a pas attendu de recevoir l’héritage hellénistique pour développer un savoir médical. Avant même de profiter de ce corpus de connaissances, appelées hippocratiques, soit par un accès direct, soit par le biais de traductions, les Arméniens, et même leurs prédécesseurs ourartéens, avaient développé une tradition médicale. En effet, le roi ourartéen Menoua Ier (810-785 av. J.-C.) mentionne dans ses inscriptions l’existence d’établissements médicaux et de thermes. De même, une pharmacopée fondée sur les simples est également bien attestée par les inscriptions ourartéennes. Cette richesse de la faune et de la flore arméniennes dans la composition de centaines de simples est également mentionnée par les auteurs gréco-latins tels que Xénophon, Théophraste, Strabon, Tacite, Pline l’Ancien, Plutarque et, bien sûr, les médecins grecs tels que Dioscoride et Galien. De plus, tout au long du Moyen Âge, ces simples de médecine furent à la base de l’art de soigner en Arménie et sont étudiées dans de nombreux manuscrits.

De nombreuses sources arméniennes insistent sur la plantation et l’entretien de forêts et de vergers pour développer l’agriculture, les plaisirs de la chasse et également la médecine. Tacite note par ailleurs que la reine Zénobie (vers 55), blessée lors de sa retraite précipitée d’Arménie avec son mari, l’Ibérien Radamiste, fut soignée par des paysans arméniens : « Ils appliquèrent des remèdes de campagne ». Plusieurs auteurs arméniens évoquent les questions médicales dans leur œuvre, avec un degré de précision laissant penser que les connaissances médicales étaient à l’honneur dans ce pays.

Nina Garsoïan a mis en évidence l’influence d’Eustathe de Sébaste sur l’initiative de Nersēs ainsi que celle de Basile de Césarée qui construisit quelques années plus tard (372-373) une « basiliade » à la sortie de la cité de Césarée. Cette grande œuvre, charitable et médicale, ne lui survécut que partiellement, mais, depuis cette époque, cette Église a eu un soin particulier pour les malades et les infirmes, et cela a duré durant toute l’époque médiévale. Cette prédisposition explique la prédilection particulière des moines arméniens pour la science médicale, cf. supra.

Dans sa description de la province d’Arminiya dans son ouvrage majeur, écrit vers 988, De la configuration de la terre, le géographe musulman Ibn Hawkal note ceci :

« Il s’y trouve d’éminents médecins, que j’ai fréquentés, praticiens illustres, enrichis par l’exercice de leur profession. »

Cette indication de l’éminent voyageur musulman prend tout son sens lorsque l’on remarque qu’il traite peu des questions médicales et ne mentionne que très rarement des médecins.

Notons également qu’une partie de l’époque qui nous occupe, les Xe-XIe siècles, est considérée comme « renaissance » par Stella Vardanian. Cette chercheuse signale la rédaction de manuels de médecine et de pharmacologie ainsi que de glossaires médicaux dans l’École de médecine d’Ani. Ces derniers sont restés inédits, et les noms mêmes de leurs auteurs nous sont demeurés inconnus. Les auteurs d’ouvrages médicaux dont les noms nous sont parvenus sont : Step’annos de Siwnik’ († 735 - des traductions, en fait), Hakob (VIIIe siècle), le roi Gagik (908-1037), Grégoire Magistros (990-1059), Siméon Set’ (1038 env.) et Yovhannēs Sarkavag (1045-1129). Ces savants sont pour la plupart des religieux, et ont, à ce titre, une grande maîtrise des Écritures saintes et de la patristique. Mais la plupart d’entre eux ont également étudié les ouvrages médicaux, progressivement traduits du grec. Enfin, l’importance de l’expérience personnelle et de l’observation est clairement affirmée, notamment par Yovhannēs Sarkavag.

A l’époque moderne l’intérêt pour la médecine se perpétue avec de grands noms tels que Giogio Baglivi (1668-1707) qui joua un rôle majeur dans le retour de la médecine à l’observation des maladies pour déterminer le meilleur diagnostic.

Et au XIXe siècle, les médecins arméniens vont jouer un grand rôle dans la renaissance médicale ottomane jusqu’au génocide de 1915.

 

Maxime K. Yevadian

(octobre 2019)

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