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Les Arméniens eurent des relations avec le monde indien dès l’Antiquité et tout au long du Moyen Âge, notamment par dévotion pour l’apôtre Thomas dont le cénotaphe se trouve à Meliapour (Chennai). À l’époque moderne, ces relations prirent un tour nouveau.

La fondation de communautés arméniennes durables dans les « Indes orientales » (sous-continent indien et Asie du Sud-Est) commence au XVIe siècle, à l’époque du souverain moghol Akbar, qui facilite l’installation de marchands arméniens. La première église arménienne d’Asie est édifiée dans sa capitale, à Agra, en 1562. Par la suite, les colonies arméniennes se multiplient avec l’arrivée d’Arméniens de Perse, surtout à partir de 1747, suite aux violences exercées contre les Arméniens de la Nouvelle-Djoulfa (Ispahan) par les troupes de Nadir Chah.

Les marchands arméniens s’installent le plus souvent dans les villes portuaires comme Bombay, Goa, Pondichéry, Madras, Calcutta et – au-delà du Gange – à Dacca, Rangoon, Penang, Malacca, Manille, etc.; sans négliger les villes situées sur des routes terrestres comme Delhi, ou sur les voies fluviales, comme Chinsurah. Les Arméniens sont « parfaitement intégrés à l’économie asiatique » et, comme peuple sans État, dénués de toute « volonté de domination ou de prosélytisme », comme le souligne Geneviève Bouchon.

Au-delà de certaines réussites commerciales spectaculaires, le rayonnement culturel des colonies arméniennes de l’Inde est remarquable, en particulier à Madras, puis à Calcutta.

La première imprimerie arménienne d’Asie est créée en 1772 à Madras par Chahamir et Hakob Chahamirian. Deux des premiers livres publiés, signés Hakob Chahamirian, l’Exhortation (Hordorak) et le Piège de l’orgueil (Vorogayt parats)marquent une rupture avec l’habitus de soumission des Arméniens vivant dans la dhimmitude et appellent à la libération du territoire historique alors partagé entre l’Empire ottoman et la Perse. Le Piège de l’orgueil va jusqu’à concevoir une constitution possible pour le régime républicain qui conviendrait à une future souveraineté. L’activité de cette imprimerie se poursuit durant une quarantaine d’années, sous des noms différents, et une quarantaine d’ouvrages y sont publiés, ainsi que le premier périodique en langue arménienne, le Moniteur (Azdarar), créé en 1794 par Haroutioun Chmavonian. Certains marchands multiplient les œuvres servant l’intérêt général, comme Edward Raphaël et Samuel Moorat dont les substantielles dotations à la congrégation Mekhitariste ont permis, notamment à travers la création d’établissements d’enseignement, une action éducative de grande ampleur.

À Calcutta, la première imprimerie est créée en 1796. Plusieurs périodiques y sont imprimés, comme la première pièce de théâtre en langue arménienne (de Mkrtitch Martirossian, 1821) et le premier roman (de Mesrop Taghiatian, 1847). L’action éducative est importante également et, grâce au legs d’Astwatsatoor Mooradkhan, aux efforts de Mnatsakan Vardan et aux dons de toute la communauté, est fondée en 1821 l’Académie philanthropique arménienne.

Après une époque de prospérité, le commerce arménien en Inde décline avec la montée en puissance des grandes compagnies des Indes soutenues par des États et disposant de forces armées. Il reste aujourd’hui en Inde quelques centaines d’Arméniens et un héritage important constitué de huit églises et des cimetières. Le Collège philanthropique est toujours en activité.

Les Arméniens de l’Inde faisaient partie intégrante du réseau marchand de la Nouvelle-Djoulfa qui, depuis la capitale persane, s’est déployé jusqu’en Chine, à l’Espagne et à la Russie. L’étude de ces groupes ayant développé des interactions de tous ordres avec des sociétés diverses conduit à décloisonner l’histoire arménienne. Ils sont considérés comme l’un des exemples les plus nets de sociétés connectées du début de l’ère moderne ; c’est pourquoi les historiens contemporains tenants de l’histoire globale, tels Sebouh Aslanian, en font l’un de leurs sujets d’étude privilégiés.

 

Saténig Batwagan-Toufanian

(mars 2022)

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