Numismatique arménienne de Cilicie (XIe-XIVe siècles)
À partir des années 1080, les Arméniens de Cilicie, déjà établis dans cette région depuis le début du siècle, s’organisent et se structurent autour du baron Roupen Ier qui est reconnu comme leur principal dirigeant par la majorité des familles. Ces populations sont issues des royaumes arméniens de Grande Arménie conquis par les Byzantins puis les Trucs seldjoukides. Ainsi durant les deux dernières décennies du XIe siècle, Roupen Ier posa les fondations d’un nouvel état et émit des monnaies pour satisfaire les besoins d’échanges économiques locaux, affirmer sa souveraineté, ainsi que celle des Arméniens sur ce nouveau territoire. Ce monnayage, composé de pièces de cuivre assez grossières et peu impressionnantes, comporte de chaque côté, à l’avers et au revers, une croix entourée d'une légende en écriture arménienne et en minuscules. Ces pièces donneront lieu, avec le couronnement de Levon Ier, comme premier roi en 1198 à l’émission d'une abondante série de pièces d'argent de haute qualité artistique et d’une grande pureté d'alliage et en plusieurs dénominations.
Ainsi, le baron Roupen Ier a jeté les bases d'une vaste série numismatique tout au long des trois siècles de domination arménienne en Cilicie, qui s'est traduite par une production considérable de pièces d'argent et de cuivre pour répondre aux besoins du carrefour commercial que le royaume allait devenir en s'imposant comme l'un des principaux centres d’échanges commerciaux du Levant. Les marchands d'Orient et d'Europe se sont rencontrés dans les ports et les entrepôts d'Ayas, Korykos, Tarsus et Misis pour satisfaire leurs besoins en marchandises et en produits de luxe.
En plus, une douzaine de pièces d'or nous sont connues, extrêmement rares, et à l'authenticité souvent contestée, ont pu être frappées pour des occasions spéciales. Le besoin de monnaie d'or dans l'économie semble avoir été satisfait par les monnaies de Venise et de Gênes, dont les marchands jouissaient de privilèges spéciaux dans le royaume, et peut-être complété par celles des Seldjouks de Rûm, des Ayyoubides et des Mamelouks, car ces royaumes ont frappé une abondante production de pièces d'or, aux côtés des deux autres métaux.
Les contacts culturels avec les Croisés, et les différentes monarchies européennes, se sont développés au cours de la première moitié de l'existence du royaume, ce qui a influencé les éléments iconographiques utilisés pour représenter le roi, ainsi que les autres emblèmes, chrétiens ou héraldiques, observés sur les pièces.
On observe, dans les dernières décennies du Royaume, un affaiblissement de la monnaie, alors que les pièces commencent à être frappées avec des matrices gravées de manière moins artistique et avec beaucoup moins de soin dans l’émission. En effet, les pièces des deux derniers rois ne présentent plus les qualités observées sur celles des trois premiers, sous le règne desquels le royaume avait atteint son apogée en matière de réalisations culturelles, artistiques, politiques et économiques.
Enfin, après la capture du roi Levon V en 1375 et le sac de la capitale Sis par les troupes mameloukes, il semble que certains éléments de la population arménienne restante en Cilicie aient continué à frapper une série de pièces grossières (communément appelées pièces post-roupéniennes) ressemblant aux émissions en argent des 75 dernières années, mais en cuivre, et portant sur elles des légendes illisibles et pseudo-arméniennes qui tentent d'imiter celles de leurs prototypes.
Jirair Christianian
(Juillet 2020)