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Numismatique musulmane en Grande-Arménie (VIIe-XVe siècles)

Après des années de raids, les Arabes, sous l’autorité de Mu‘awiya le gouverneur de Syrie, réussirent à vaincre les forces byzantines et arméniennes qui le laissèrent occuper les plaines des régions de Theodosiopolis (Erzerum) à Dvin vers 655. Cette première installation allait durer près de 200 ans.

Durant cette période, le pouvoir musulman des Omeyyades, suivi de celui des Abbasides émit des monnaies en or, argent et cuivre. Selon les habitudes établies du califat, ces monnaies étaient inscrites de légendes en arabe, contenant des formules de foi musulmane, les noms du calife, de la ville où était situé l’atelier monétaire et l’année selon l’hégire (débutant en 622). Cette dernière mention manquait parfois sur certaines monnaies de cuivre.

Ainsi, les monnaies émises en Arménie par le califat islamique portent la mention “Arminiya”, qui est le nom de la province ; Dabil qui est la forme arabisée de Dvin; Harunabad ou al-Haruniya qui sont peut-être des épithète qualifiant cette même ville à l’époque du calife Harun al-Rashid et Ma‘dan Bajunays, le nom arabe de l’atelier situé dans la région contenant des mines d’argent dans l’Apahunik' (nord du lac de Van). D’autres monnaies ont été émises en Albanie du Caucase (Est de l’Arménie), appelée Arran en arabe, la capitale Partav, et la ville principale Gandzak nommées respectivement Barda‘a et Janza sur les monnaies.

Ces pièces sont importantes car elles fournissent, à partir de l’année 783-784 et jusqu’à la fin de la période d’occupation arabe, une liste presque ininterrompue des gouverneurs de la province ainsi que les noms de fonctionnaires, au niveau local, ou responsables des ateliers monétaires. Les listes ainsi établies constituent d’essentielles sources prosopographiques qui complètent les sources historiques de cette période. Elles permettent en outre de corriger les datations consignées par les historiens et les chroniqueurs.

Lorsque les Abbassides perdent leur prédominance en Arménie, des dynasties arméniennes reprennent le pouvoir, culminant en 885 avec l'établissement d'une nouvelle monarchie des Bagratides du Chirak par Achot (Ašot) Ier le Grand, et celle des Ardzrounis (Arcrouni) au Vaspourakan. Ainsi, des rois arméniens régnèrent jusqu'en 1045 sur le plateau arménien, date à laquelle les Byzantins dominent la région.

Cependant, même après le déclin de l'emprise du califat musulman en Arménie, les Bagratides, les Ardzrounis, et autres princes arméniens, pour des raisons pas facilement explicables, n'ont pas frappé leurs propres pièces, pourtant une des prérogatives importantes du pouvoir royal. Le besoin de pièces de monnaie au cours de cette période semble avoir été satisfait par un mélange de pièces byzantines et de celles des dynasties arabes et kurdes (telles que les Sajides, les Shaddadides et les Sallarides) qui étaient restées établies dans la région, jusqu'à l'arrivée des Turcs Seldjoukides en 1064, qui ont lancé leur propre monnayage dans les terres qu'ils ont conquises.

Seul le petit royaume arménien de Lori, à l'est, pendant cette période tumultueuse, a émis une série limitée de pièces de monnaie en cuivre et en argent sous le roi Kiurike II (1045-1089 après J.C-.). Ces monnaies ont pour modèle les folles byzantins de la série anonyme qui étaient en large circulation pendant cette période. Ainsi, Kiurike II est le premier souverain à avoir émis des pièces en utilisant l'alphabet arménien dans sa légende.

Au début des années 1200, les Mongols arrivèrent à leur tour en Arménie et, par une série de conquêtes, chassèrent les Seldjoukides. Ils ont établi l'Ilkhanat, le khanat dans la partie sud-ouest de l'Empire mongol, qui fut marqué par son propre monnayage, également trimétallique. Ces monnaies, tout en utilisant l'arabe, portaient souvent le nom du souverain Ilkhan en ouïghour, parfois avec des éléments de légendes supplémentaires dans cette langue également. Malgré une affinité précoce avec le christianisme et la tolérance des pratiques religieuses chrétiennes par les Ilkhans, nominalement bouddhistes, à travers leurs contacts avec les Nestoriens, les Géorgiens et les Arméniens, ils se sont formellement convertis à l’Islam en 1295. Cette conversion a été naturellement marquée par un changement dans les inscriptions religieuses sur leurs pièces de monnaie. Avant la conversion, leurs pièces d'argent émises en Géorgie avaient des expressions chrétiennes claires de la foi, y compris une croix.

Un fait important est également à signaler : une émission locale de cuivre dans le nord de l'Arménie est unique avec ses légendes trilingues, comportant sur son revers une croix avec la version arménienne du nomina sacra, տր - ած / յս - քս, entourée de l'expression en arabe de la foi chrétienne, tandis que l'avers affiche une inscription ouïghoure nommant l'Ilkhan Abaqa comme le souverain émetteur. L'Ilkhanat a utilisé un nombre particulièrement important d’ateliers locaux pour émettre les pièces de monnaie nécessaires à son administration, dont beaucoup sont spécifiquement situées dans la Grande-Arménie.

Alors que l'empire mongol des Ilkhans déclinait à son tour, un certain nombre de dynasties et de tribus turques, kurdes et arabes ont établi leurs emprises sur diverses parties de l'Arménie. Celles-ci comprenaient les dynasties Ayyoubide, Mamlouke, Danishmendide, Zanguide, Begtimouride, Saldouquide, Ildeguizide, Muzaffaride, Jalayride, Qara-Qoyunlu, Aq-Qoyunlu et Timouride. Cette situation dura jusqu’au XVIe siècle, lorsque les Safavides d'Iran et les Turcs ottomans consolidèrent leur pouvoir respectivement dans les parties orientale et occidentale de l'Arménie.

Jirair Christianian

(Août 2020)

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