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Période génocidaire – Génocide (1894-1923)

Les Arméniens, comme les autres minorité de l’empire ottoman, aspirant à améliorer leur statut de dhimmis (soumis au pouvoir musulman et sujets de seconde zone), se sont attiré les foudres du « Sultan rouge », Abdul Hamid II (1876-1909). Celui-ci renforça alors sa politique panislamiste, dont le corollaire fut la répression sanglante des Arméniens, entre 1894 et 1896, qui fit près de 300 000 victimes. Ces abominables tueries, qui faisaient suite à une multitude d’autres depuis le XVIe siècle, connurent un large retentissement en Europe. En France, le mouvement arménophile a été marqué par des personnalités politiques et littéraires aussi prestigieuses que Jean Jaurès, Anatole France, ou Georges Clémenceau.

Dans ce contexte, le parti Comité Union et Progrès (CUP) fit des promesses libérales d’égalité de tous les sujets et de garantie des libertés individuelles au peuple arménien. Il arriva au pouvoir en 1908, grâce au soutien de la minorité arménienne. Pourtant, dès 1909, ce fut ce même parti qui organisa les massacres d’Adana en Cilicie, qui feront 30 000 morts.

Non seulement le CUP n’a jamais tenu ses promesses, mais il a expérimenté au surplus un nouveau type de violence rationalisée.

Le 15 février 1915, profitant de la Première Guerre mondiale, une réunion secrète des principaux dirigeants du CUP, dont deux organisateurs du génocide, Enver et Talaat Pacha, planifia l’extermination totale des Arméniens, tout en continuant officiellement à leur donner des gages. Dans le même temps, les militaires arméniens continuaient à se battre loyalement dans les rangs de l’armée ottomane jusqu’au déclenchement du génocide.

Dans la nuit du 24 au 25 avril 1915, l’élite arménienne de Constantinople fut arrêtée, déportée et massacrée. Décapité, le peuple arménien fut anéanti par des massacres d’une ignoble sauvagerie, et on assista à la déportation des rescapés dans un réseau concentrationnaire. Des représentants des ministères de la Guerre, de l’Intérieur et de la Justice sélectionnèrent des prisonniers de droit commun identifiés pour leur violence. Durant l’exécution du génocide, des médecins turcs pratiquèrent même des expériences médicales sur les Arméniens (inoculation de virus pour déclencher des épidémies, exposition à des gaz mortels, etc.).

Ce fut la première fois dans l’Histoire qu’un État organisait contre ses propres sujets un réseau de camps de concentration, de transit et d’extermination. Le bilan du premier génocide du XXe siècle fut terrible : plus de 1 500 000 morts, plus de 150 000 conversions forcées à l’Islam et, peut-être, autant d’enfants enlevés par des familles musulmanes et élevés dans le déni de leur identité véritable. Depuis quelques années, leurs descendants commencent à explorer cet aspect occulté. Ainsi l’avocate Fethiye Çetinea en a-t-elle fait le récit dans Le livre de ma grand-mère (2006) qui bouleversa des millions de Turcs.

Un élément essentiel du génocide arménien est l’élaboration d’un moyen moderne d’extermination, concept de système concentrationnaire que les officiers allemands ayant servi dans l’Empire ottoman introduiront en Allemagne, avec d’autres innovations turques, et sera utilisé par les serviteurs d’Adolf Hitler contre le peuple juif. Il faut savoir que le Führer était un admirateur des réformateurs turcs du CUP et de Mustapha Kemal Atatürk, à propos duquel il aurait déclaré : « Mussolini a été son premier disciple, moi le second. » (Jevakhoff A., Kemal Atatürk : les chemins de l'Occident, Paris, Tallandier, 1989, p. 416.)

Les historiens français Annette Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau ont parfaitement compris cette phrase lorsqu’ils écrivent : « L'oubli prolongé des exactions contre les civils, comme de l'extermination des Arméniens, a offert par la suite l'impunité à ceux qui voulurent réitérer. » (Becker Annette et Audoin-Rouzeau Stéphane, 14-18, retrouver la guerre, Paris, Gallimard, “folio histoire”, 2000, p. 126.)

Le Führer avait, semble-t-il, une connaissance réelle de l’extermination des Arméniens, puisqu’en août 1939, au moment de lancer ses armées à la conquête de l’Europe et d’accentuer sa politique de répression des « exclus », il déclara devant son Etat-major hésitant, comme pour le rassurer : « Après tout, qui parle encore aujourd’hui de l’anéantissement des Arméniens ? »

Au sortir de la guerre, la tragédie subie par le peuple arménien fut - qui s’en souvient ? - formellement reconnue, le 17 juin 1919, par le chef de la délégation turque au Congrès de Versailles, Damad Ferid pacha, le Grand Vizir (Premier ministre) : « Loin de moi la pensée de travestir ces forfaits qui sont de nature à faire tressaillir d’horreur la conscience humaine ; je chercherai encore moins à atténuer le degré de culpabilité des auteurs du crime. »

Le Traité de Sèvres (10 août 1920) demanda un arbitrage au président américain W. Wilson sur la Question arménienne (art. 88-89). Cet arbitrage accorde aux rescapés du génocide un État, en Arménie occidentale. Aujourd’hui, malgré la révolution nationaliste de Mustapha Kemal Atatürk et le Traité de Lausanne (1923), favorable à la Turquie, sa valeur juridique reste entière. (« Wer Redet noch heuse von Vernichtung der Armenier ? » Voir Bardakjian Kevork B., Hitler and the Armenian genocide, Zoryan Institue, Special report number 3, Cambridge, Massachsetts, 1985, p. 5.)

M. Yevadian, révisé par R. Kévorkian

(avril 2020)

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